L’association Generations Débats, qui organise des débats dans des bistrots et restaurants avec des politiques de toutes tendances, recevait le 4 avril dernier un personnage que l’on appelle "de l’ombre", le Directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy à l’UMP, Frédéric Lefebvre.
J’y étais.
Bien sûr, on a l’impression d’entendre les mêmes arguments que lorsqu’on écoute l’original, le talent en moins. Autant j’avais été un peu bluffé par la prestation du prétendant UMP lorsqu’il était venu haranguer les anciens HEC, autant ici on avait l’impression d’assister à une démonstration de "Trivial Pursuit" : à toutes les questions posées par la salle, hop, la réponse du candidat sortait du chapeau.
Mais ce qui m’a le plus frappé, c’est cette perpétuelle référence aux "français", ceux qui comprennent tout, qui ont tant de bon sens, d’intelligence,…on serait jaloux de ne pas en être…
A une question d’Edouard sur la BCE, qui ne manque pas, en bon étudiant studieux, de faire référence à ce que lui ont appris ses professeurs d’économie, le sieur Lefebvre n’hésite pas : "mais voyons, jeune homme, ne croyez pas ce que disent les professeurs d’économie, ce n’est pas la vraie france, écoutez…LES FRANCAIS…. ceux qui ont tout compris et qui voient bien que les prix en euros ont augmentés, tenez, regardez, au restaurant, on ne peut plus manger décemment à moins de 30 euros, ce n’est pas une preuve ça, que vos professeurs d’économie n’ont rien compris ? Là, on est scotchés! mais ils mangent où les professeurs d’économie pour être aussi bêtes ?
Oui, il nous bien expliqué, ce serviteur zélé qui accompagne Nicolas Sarkozy depuis plus de 25 ans (mazette!), qui n’a loupé aucun meeting, puisqu’il les organise, combien avec Nicolas sarkozy, on va faire "de la politique autrement". Son candidat, il va "à la rencontre des français", ceux de la vraie vie. Tellement vraie qu’on n’arrive pas toujours à voir de qui il parle. N’importe lequel d’entre nous est ici étudiant, entrepreneur, cadre d’entreprise, consultant, bref, selon notre invité, juste un intérêt individuel, alors que lui il parle des "français", des êtres apparemment tout ce qu’il y a de plus charmant, surtout bien sûr si en plus ils votent Sarkozy.
Alors, pour faire monter notre plaisir de connaître des gens aussi formidables, il nous donne un cas de la vraie vie : il revenait juste d’un meeting, non, d’ une "rencontre", au Show Case, une boîte de nuit super (oui, il est malin, le directeur de cabinet, quand il parle devant des jeunes, il parle de boîtes de nuit , parce que les jeunes français, c’est bien connu, ça aime les boîtes de nuit..), où Nicolas Sarkozy a rencontré "tout ce qui compte dans la Culture", et c’était super, car "tout ce qui compte dans la culture" a compris combien le candidat comprenait les "français".
Mais c’est qui "tout ce qui compte dans la culture" ? Il nous l’a dit : Véronique Genest (oui, Julie Lescault, le commissaire, ouah, génial !), elle compte, elle, c’est sûr, au moins à l’audimat de TF1…
En fait, cette façon populiste d’en appeler en permanence aux "français" par les politiques, renvoyant tous ceux qui se sentent compétents en quoi que ce soit à leur ringardise, est-ce vraiment un plus pour la politique ? Parfois, on pourrait en douter, mais on n’ose pas le dire devant cet argument des "français".
Ca doit être payant, puisqu’ils le font tous, depuis celle qui les a "chevillés au corps", celui qui les "aime", sans parler du candidat qui se dit "le candidat patriotique".
En fait, le grand avantage, c’est qu’on peut leur faire dire n’importe quoi, à ces "français" qu’on a rencontré dans une boîte de nuit ou un préau d’école, ou, encore plus tendance, une usine : on nous montre plein d’images, en ce moment, de candidats en conversation avec des ouvriers, croisés un quart d’heure dans la cour d’une usine. Frédéric Lefebvre nous l’a rappelé : Nicolas Sarkozy a rencontré des ouvriers PLUSIEURS FOIS (ouah, trop fort ce Sarkozy!), donc il a compris " le monde industriel" : nous, là, devant lui, qui n’avons pas parcouru à grandes enjambées les halls d’usine, on se sent tout con d’être aussi ignorant de ce "monde industriel"…
Oui, ces "français" que rencontrent nos hommes politiques, on sent combien ce sont des gens formidables par rapport à nous…on va finir par les "aimer" nous aussi…
Quand on les croisera le 22 avril devant les écoles et les isoloirs, n’oublions pas de leur faire un petit sourire gentil si jamais nous croyons les apercevoir; que feraient on en France s’ils n’étaient pas là ?
Et puis, aprés les élections, on redeviendra tous des contribuables…
Un vrai compte de Cendrillon ces périodes électorales !
De Paris, le dernier de la lune de Gemmadi 10, 2007.


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