Dans son exposé à l'AJEF, Catherine Colliot-Thélène a évoqué la notion d' "exellence" dans le travail théorisée par Max Weber, notamment dans son ouvrage " L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme".
Cette excellence, aujourd'hui, comme au temps de Max Weber, est généralement assimilée à la spécialisation. C'est en se spécialisant, en devenant expert d'un domaine, que l'on approche de cette excellence dans un métier. C'est ce que l'on attend d'un consultant-expert; c'est ce qui fait le progrès ( et ce qui d'ailleurs fait craindre à certains une panne de l'innovation, chacun se spécialisant de plus en plus, au point qu'il n'est plus possible de traiter d'un sujet sans réunir une communauté d'experts en tous genres – j'en ai parlé ICI).
Pourtant, Catherine Colliot-Thélène nous a fait remarquer que la vie de Max Weber était à l'opposé de cette "spécialisation". Je retrouve ces précisions dans son ouvrage trés pédagogique " La sociologie de Max Weber" . elle indique, outre une formation trés diversifiée, entre philosophie, droit et économie, une curiosité intellectuelle particulièrement remarquable du jeune Weber qui dévore, à l'âge de douze ans, Spinoza, Schopenhauer, Kant, mais aussi Homère, Hérodote, Virgile, Cicéron, Goethe, Machiavel. Une sorte de parcours parfait du jeune génie. Culture que l'on retrouve dans les écrits scientifiques ou politique de sa matûrité, où les champs couverts sont trés vastes.
c'est donc dans une position un peu tragique que nous le présente catherine Colliot-Thélène :
" Weber a constaté la spécialisation croissante, à ses yeux inévitable, de la formation académique, et il savait que cette spécialisation signifiait la fin d'un idéal de culture humaniste que Goethe, notamment, avait porté à l'espression dans le personnage de Faust. Mais lui-même était encore un représentant de cette culture humaniste, un personnage entre deux époques, d'autant plus sensible à ce que le présent et le futur prévisible présentaient de nouveau qu'il avait une claire conscience de ce qui s'y perdait".
Cette culture humaniste et de généraliste, elle est pourtant encore aujourd'hui défendue par certains. Cet héritage de Max Weber peut encore, peut-être, être préservé. Pour comprendre " la crise" nous allons peut-être avoir besoin de ceux qui prennent ce recul de généraliste, qui regardent les sujets et les situations avec des grilles de lecture variées, qui se réclament de la posture de Max Weber.
Souhaitons qu'ils soient encore nombreux.

Laisser un commentaire