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La revue « Echanges » de novembre, éditée par la DFCG (Association Nationale des Directeurs Financiers et de contrôle de gestion), consacre un dossier au thème « Transparence et confidentialité ».

Ce thème est en effet bien dans l’actualité, l’information aux tiers délivrée par les entreprises cotées étant de plus en plus encadrée avec les lois NRE du 15 mai 2001 et de sécurité financière du 1er août 2003.

Toutefois, ces dispositions n’éteignent pas le devoir de confidentialité que l’on attend des salariés d’une entreprise, et particulièrement de son Directeur Financier. Françoise de Saint-Cernin, avocate, évoque ce paradoxe, et nous rappelle que la communication d’informations à caractère secret à des tiers est punie par le code pénal (art. 226-13) par deux ans de prison et 30.000 € d’amende.

D’où le difficile équilibre entre la confidentialité et la transparence, que la loi n’encadre pas totalement. C’est pourquoi se mettent en place, en plus, dans les entreprises des « chartes d’éthique financière », qui fixent les engagements des dirigeants et du directeur financier sur la communication financière. Le métier du Directeur Financier s’en trouve profondément changé, car il doit apprendre le métier de communicant, en pesant ce qu’il doit et ce qu’il peut dire, sans franchir la ligne jaune.

Autres outils et règles pour accroître la transparence, les normes IAS-IFRS, par exemple la norme IAS 14, qui oblige à fournir des renseignements sur les résultats, les risques, les potentiels, par secteur d’activité et par zone géographique. Cette segmentation peut amener à rendre publiques des informations sur les segments et produits à marge, ou en perte, que l’on aimerait mieux garder secret vis-à-vis de clients ou de partenaires (par exemple des distributeurs). Chacun cherche les meilleurs moyens de regrouper les segments ou les zones pour masquer ce type d’informations. La norme ne donne pas des règles très strictes, et Xavier Paper, encore un avocat, nous suggère de traiter ce sujet avec le « discernement des dirigeants ».

Une autre pièce du dispositif pour améliorer la transparence, la loi Sarbanes-Oxley, et le nouveau référentiel comptable international (IFRS), qui s’intéressent à la qualité du contrôle interne. En l’absence de définition du contrôle interne, et avec des directives qui ont été données tardivement, les entreprises pataugent un peu sur ce terrain, les rapports publiés n’étant pas encore complètement convaincants, comme nous l’indique Stéphane Baller (oui, vous avez deviné, il est avocat !).

Malgré l’accumulation de ces lois et dispositifs, le sujet ne semble pas épuisé, et l’on s’intéresse maintenant au maillon faible de la transparence, les individus : des dispositifs nouveaux de « whistleblowing » se mettent en place dans les entreprises . de quoi s’agit il ? de permettre à des salariés de signaler des comportements supposés fautifs imputables à leurs collègues de travail ; ces dispositions vous sont soumises pour signature au moment de l’embauche.

Tous ces dispositifs nous font entrevoir le meilleur des mondes de la transparence…

Mais quel rapport avec Lucifer ??

Ca vient…

Jean pascal Farges (tiens ! lui, il n’est pas avocat) termine ce dossier d’Echanges en nous alertant sur les dangers de cette histoire de transparence contrainte par le législateur et les régulateurs. Il nous rappelle combien le pouvoir dans les entreprises est souvent associé à la détention de secrets et d’information inaccessibles ou cachées au commun des mortels. Le management peut être vu comme un subtil jeu d’équilibre entre ce qui est secret et ce qui est transparent, et, quand il y a crise, le pouvoir lâche un peu de lest sur le secret et révèle des secrets cachés pour ramener l’ordre, mais sans trop lâcher quand même.

Les lois viennent en fait apporter des contraintes dans ces équilibres, souvent aussi après une crise (voir Enron, la catastrophe du tunnel du Mont Blanc), car la transparence n’est pas naturelle. On se méfie même de celui qui est porteur de lumière (lux feris, Lucifer, porteur de lumière). On aime la confidentialité des affaires, les secrets bien gardés.

Et pourtant, une des quêtes de l’homme est constamment de tenter de percer des secrets, jusqu’aux plus profonds tels ceux de la vie elle-même (d’où venons nous ? où allons-nous ? pourquoi ?), et la limite du savoir est toujours repoussée. Cette part d’ombre fait partie de la vie aussi, et nourrit le destin des hommes. Sans confidentialité, comment parler de ma douleur à mon médecin, de mes péchés à mon confesseur ? Sans ombre, comment puis-je connaître la lumière ?

C’est pourquoi toutes les tentatives de recherche de la transparence absolue, allant jusqu’à inciter à dénoncer ses collègues, à tout dire, à ne rien cacher, vont trouver leur limite naturelle dans l’homme lui-même.

Toutes les tentatives d’encadrement forcé ne remplaceront pas le management par la confiance.

A trop vouloir éclairer, ne va-t-on pas briser l’harmonie nécessaire entre l’ombre et la lumière.

Oui, il serait bien sombre, cet univers où règnerait partout la lumière.

La voilà, la revanche de Lucifer ! Méfions nous.

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