Pour l’entrepreneur, l’ambitieux, le risque, prendre des risques, oser, c’est le secret de l’audace et de la réussite.
A l’inverse, la prudence, c’est le signe des faibles, ce ceux qui préfèrent le statu quo au changement.
Et pourtant, il y a une version positive de la prudence que l’on oublie, celle des grecs, la « phronesis », que l’on pourrait assimiler à une forme de « prudence audacieuse ».
C’est quoi, ça ?
C’est l’objet du livre récent de Catherine Van Offelen, « Risquer la prudence – Une pratique de la sagesse antique ».
Cette prudence « phronesis », c’est celle de la prudence avisée, active et aventurière, et non pas celle, que récuse l’auteur, de « l’invitation à rester chez soi ». Faire preuve de phronesis, c’est agir en faisant l’équilibre entre l’excès et le manque. On en trouve une description dans l’« Ethique à Nicomaque » d’Aristote. Elle est une forme de sagacité, qui s’acquiert avec le temps et l’expérience, comme une « sagesse pratique ».
Cette attitude de prudence audacieuse est celle qui caractérise les grands hommes, capables, selon l’auteur, de « domestiquer l’invisible », comme César ou de Gaulle. Alors qu’aujourd’hui, on manque de ces profils, car « On préfère désormais les colibris aux chevaliers Bayard » (Oui, Catherine van Offelen a le sens de la formule) : « La prudence moderne s’est diluée dans de grandes organisations anonymes : ONU, FMI, Banque Mondiale. A l’étoffe brillante du phronimos succèdent des milliers de costumes-cravate. L’allégeance de tous à la splendeur d’un seul laisse place à la gestion technocratique par une nébuleuse institutionnelle ».
Dans un entretien récent pour Le Figaro, il lui est demandé si, avec l’intelligence artificielle et les algorithmes, qui vont contrôler nos vies et nos décisions, on peut encore avoir besoin de cette phronesis des Anciens :
« Les Grecs avaient le phronimos comme flambeau. L’algorithme est la boussole actuelle. Il peint le présent et prévoit l’avenir. Il prétend déchirer le voile de l’incertitude. Mais des évènements échapperont toujours au calcul. L’IA, supercalculateur, tient son pouvoir de l’archivage des données existantes. Or le génie du phronimos, c’est d’inventer l’inédit ».
Donc, conclusion : « Le phronimos est supérieur à l’IA car il est singulier, ne sait pas tout, doit croire un peu, échapper à lui-même, produire davantage que son intelligence contient, et, comme il peut se tromper, son succès est miraculeux ».
A l’heure de la sortie de Chat GPT 5, Aristote et la phronesis peuvent peut-être encore nous être utiles alors.

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