Dans l’entreprise, il y a bien sûr des écrits : les contrats, les conditions générales de vente, les bons de commande, et tout ce qui remplit les parapheurs des gens importants…
Mais dans le management, il y a aussi beaucoup de paroles et de mots échangés. C’est ce qui permet d’échanger des idées, mais aussi de convaincre et de séduire.
Alors, forcément, on a envie que nos idées, nos paroles, marquent les esprits et les cœurs, c’est ça le charisme, la force de conviction, le leadership.
Oui, que l’on s’adresse à une personne, à un groupe, une équipe, ou 80 000 personnes, on a envie d’être entendu et compris.
Et pourtant, on connaît la chanson, oui, celle de Dalida, « Paroles, Paroles » :
« Des mots faciles, des mots fragiles,
C’était trop beau »
« Caramels, bonbons et chocolats,
Merci pas pour moi,
Mais tu peux bien les offrir à une autre.. »
« Moi, les mots tendres enrobés de douceur,
Se posent sur ma bouche mais jamais sur mon cœur »
Oui, Paroles, Paroles….
Alors, on a tous envie de connaître les secrets pour poser « les mots sur les cœurs »…
Deux frères (fierté de leur maman !) Chip et Dan Heath, viennent de sortir ce qui est déjà annoncé comme un best seller aux Etats-Unis : « Made to Stick : Why some ideas survive and others die »
, avec une superbe couverture trés "stickie". Et bien sûr, il y a un blog dans le package marketing.
Robert Sutton en a parlé dans son blog ici , ici,et ici.
Leurs constats et conseils tiennent en six mots qui forment le mot SUCCESS ou presque…ouah, trop fort…
– Simplicity,
– Unexpectedness,
– Concreteness,
– Credibility,
– Emotional,
– Stories.
A l’aide d’exemples et d’anecdotes de toutes sortes, ils nous apprennent à maîtriser ces six règles magiques : il n’y a plus qu’à.
Il y a une des règles qui marche fort, c’est l’émotion. C’est vrai, on le sent bien, que le raisonnement froid, la démonstration analytique, ça passe pas toujours. Alors, tous les pros de la communication nous le disent, l’émotion, y a que ça de vrai.
Il y en a un qui a bien essayé sur ce registre dimanche dernier, c’est Nicolas Sarkozy, devant les 80 000 militants UMP.
« Je pensais que la politique n’avait rien à voir avec mes émotions personnelles. J’imaginais qu’un homme fort se devait de dissimuler ses émotions. J’ai depuis compris qu’est fort celui qui apparaît dans sa vérité. J’ai compris que l’humanité est une force, pas une faiblesse.. » ; oui, il leur a dit : « J’ai changé ».
Tout le début de son discours est chargé sur ce registre ; il ne dit pas trop , finalement ce qui a changé en lui, mais il explique « J’ai changé, parce que… », parce que j’ai vu des malheureux, le pouvoir m’a changé, etc…
Les fans, ils ont apparemment marché à fond, à voir ces larmes dans les yeux et les témoignages des blogueurs , notamment l’excellent compte rendu de Laurent Gloaguen sur « Embruns », qui nous raconte cette ambiance quasi liturgique et nous livre quelques photos de militants en pleurs.
Alors, évidemment, pour ceux qui ne sont pas des militants pur jus, et ceux qui n’y étaient pas, on se demande ce que tout cela veut dire…
En fait, cette façon d’agiter l’émotion comme pour faire pleurer margot comme avec un film bien sentimental, nos deux frères Heath nous disent qu’elle n’est pas tellement efficace pour faire « sticker » les idées et les messages (mais ce n’était peut être pas l’intention de l’orateur ?). Elle est d’autant plus dangereuse si elle se met en contradiction avec une autre règle, la Crédibilité.
C’est un peu l’effet du méchant loup déguisé en grand-mère qui essaye d’amadouer le petit chaperon rouge ; il ne se laisse pas faire comme ça ce chaperon rouge.
Le risque est fort quand on s’engage sur un tel terrain. Dans le discours très volontariste du candidat, une phrase comme « Je veux le dire avec pudeur » (il parle des épreuves de la vie qui l’ont changé), est chargée de paradoxe, cette association de « pudeur » et de « Je veux » …d’ailleurs au fur et à mesure du discours, la « pudeur » va disparaître, alors que les « Je veux » vont se démultiplier…
Utiliser les émotions dans sa communication est un exercice délicat.
Nos auteurs nous donnent quelques pistes utiles, qui seraient peut être aussi utiles pour notre orateur lacrymal.
Rendre ses messages « émotionnels », ce n’est pas déballer un assemblage de sentiments, de "caramels, de bonbons et de chocolats", c’est plutôt aller chercher l’émotion des autres dans le message :
– en étant spécifique : dans mon message, je ne parle pas des « gens » mais de situations particulières. Mère Theresa disait, paraît-il, que « Si je regarde la masse, je ne fais jamais rien, alors que si je regarde un seul je veux agir »,
– en s’adressant à l’intérêt personnel de mon ou mes interlocuteurs : qu’ils puissent répondre à la question « qu’y a-t-il là dedans pour MOI ? », et c’est un exercice certes plus difficile devant 80 000 personnes…
– en s’adressant à l’identité, aux valeurs universelles : en s’adressant, non seulement à la personne qu’il est aujourd’hui (intérêt personnel), mais aussi à celle qu’il voudrait être, à ces aspirations qui font partie d’un inconscient collectif du moment ;
Et puis, pour être le plus pratique possible, les deux auteurs nous donnent aussi une petite astuce bien connue, pour justement aller chercher ces aspirations : c’est de se poser la question du POURQUOI de mes idées, mes propositions, de TROIS à CINQ fois; ainsi cela permet d’aller chercher le fond de la sincérité que je veux communiquer :
Exemple sur une association qui défend la pratique et le développement des concerts à deux pianos.
Pourquoi cette association ? Pour protéger, préserver, promouvoir, la musique à deux pianos ;
Pourquoi protéger cette musique ? Pourquoi est-ce important ? Pourquoi la planète serait elle moins vivable sans la musique à deux pianos ?
Et, au bout de cette série de pourquoi : La musique à deux pianos, c’est le son d’un orchestre, avec l’intimité de la musique de chambre…
Bon, l’exemple est peut être pas absolument parlant, mais au moins illustratif.
Bon, on essaye, avec un autre exemple :
Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il changé ?
Humm…humm…. On s’en doute un peu, pas besoin de se le demander trois ou cinq fois, finalement.


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