Rien que ça.
C’était dans Le Monde d’hier soir :
" Son départ est une catastrophe"
Qui parle comme ça ? Un journaliste du Figaro, qui parle du départ de son patron, Nicolas Beytout, pour rejoindre la direction du pôle Médias d LVMH, fort de l’acquisition récente des Echos par bernard Arnault, Les Echos qu’il avait quitté il y a trois ans pour venir au Figaro.
Paradoxe insolent, c’est ce même jour que Le Figaro a choisi de consacrer son supplément "Le Figaro Réussir" à un thème qu’il vit en direct :
"Comment retenir les meilleurs ?"
Superbe démonstration d’arroseur arrosé !
Bon, alors ces journalistes catastrophés que leur patron a quitté, que nous disent ils sur ce thème ?
Pour nous donner les secrets pour retenir les meilleurs, Jean-François Arnaud et Anne Jouan sont allés recueillir l’avis éclairé d’un expert, Antoine de Riedmatten, associé en charge du recrutement chez Deloitte France, cabinet d’audit, dont j’ignorais qu’il était "best in class" pour retenir les meilleurs …
Cet expert nous livre les trois secrets :
1. "D’abord il faut leur proposer une formation de trés bon niveau de manière régulière".
2. " de la mobilité. " Soit on est capable de proposer des évolutions à ses meilleurs collaborateurs, soit ces derniers vont aller les chercher ailleurs. Si l’on arrive, en le faisant tourner en interne, à garder ses talents, alors on est gagnant".
3. Enfin, ne pas négliger les salaires. " Il est clair qu’il faut valoriser les meilleurs, car il s’agit d’une source de motivation"…
Bon, voilà…c’est tout ?
Et cette façon de parler de "gagnant" pour l’entreprise, elle fait entendre que le salarié s’est bien fait avoir, non ?
Et ces formations "de trés bon niveau", c’est quoi ?
Si l’on en croit Sandra Elart, qui enseigne en sciences de l’éducation à l’université de Genève, et qui vient de sortir un ouvrage sur " Concevoir des dispositifs de formation d’adultes : du sacre au simulacre du changement", et dont Le Monde rendait compte lundi, c’est du pipeau total :
" La formation est un lieu de mise en scène du changement, permettant aux hommes et aux organisations de croire au changement, de l’instrumentaliser, de le donner en représentation, d’en vivre une simulation. Mais, fondamentalement, la formation n’est pas un levier de transformation profonde. Au contraire, dans certains cas – et l’on peut penser qu’ils sont majoritaires – la formation est là pour renforcer les structures et le pouvoir en place, tout en donnant l’illusion, de traiter de leur mutation…la formation sacralise le changement en lui fournissant des credos, des rites, des acteurs dédiés, mais elle n’en donne en fait qu’un simulacre".
Et pan sur le bec, comme dit la comtesse dans le canard enchaîné…
On dit qu’une catastrophe n’arrive jamais seule…
Aprés celle du départ de leur chef, les propositions indigentes de cet expert, reprises par nos deux journalistes traumatisés, en est une nouvelle démonstration.
Tous ceux qui croient encore que des formations, du fric, et de la mobilité dans l’intérêt unique de l’entreprise vont suffire à attirer et conserver ceux qu’ils appellent "les meilleurs" vont vite apprendre que ces discours auront de moins en moins d’effets…si tant est qu’ils en aient encore (peut être que cela marche encore pour les auditeurs de Deloitte ? )…
Dans ce même numéro du Figaro Réussir, d’autres experts consultants sont interrogés sur les raisons principales de la démission d’un collaborateur….Ils reprennent exactement les causes considérées comme secondaires par Matthew Kelly dans mon précédent post…et ne parlent pas de "dream manager".
On peut se prendre à rêver que Nicolas Beytout a pris sa décision de quitter le Figaro hier soir en jetant dans sa poubelle cet ultime numéro, avec son nom comme directeur de la rédaction, du Figaro Réussir qui cherchait à "retenir les meilleurs"….Espérons qu’il n’utilisera pas ces conseils surranés pour recruter et garder les talents dans son nouveau groupe..
Bonne chance à toi, Nicolas…


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